Le chat, les deux vieux et la jeune fille...

De Nancy PENA, j'avais beaucoup aimé le cabinet chinois, paru en octobre 2003 chez la boîte à bulles. Une drôle d'histoire mêlant la quête d'un amour disparu par un riche commerçant de porcelaine, la recherche alchimique d'un élixir magique par un jeune étudiant ambitieux, le tout dans une maison aux tapisseries magiques, au sein d'une Hollande du XVIème siècle. Une histoire hors norme, tout en nuances et en douceur, avec un dessin noir et blanc d'une grande élégance. Bref une très grande réussite qui faisait attendre avec impatience les futures oeuvres de Nancy PENA.
En avril 2006 sortait toujours chez la boîte à bulles le tome 1 de la guilde de la mer. Les critiques lues de ci de là sont plutôt bonnes, voire très bonnes, mais je ne me suis pas encore procuré ce livre et je ne vous en dirai donc pas plus.

Mais ? Mais voilà que je viens de lire le tome 1 des Nouvelles aventures du Chat Botté "La montagne en marche", paru chez 6 pieds sous terre éditions, dans l'excellente collection Lépidoptères, qui nous avait déjà donné Soldats en plastique de Fifi et Coincoin, l'homme manchot empereur déjà recommandés par ici...

Si donc comme moi, vous supposiez les aventures du Chat botté finies et définitivement cataloguées au rayon "contes et légendes", auteur Charles Perrault, erreur mes amis, grave erreur car vous apprendrez ceci :

"L'histoire ne se termine pas au point final que Charles inscrivit" car "voilà bien les moralisateurs ! Ils nous laissent au point du récit qui sert leur discours. Las ! Le destin est moins prévisible qu'eux."

Or donc, voilà qu'une montagne ayant perdu son ogre de fils veut se venger, voilà qu'un chat passe un pacte avec les souris, voilà qu'un lion coquet compromet le récit d'une histoire pourtant bien écrite... Avec un dessin toujours aussi élégant, Nancy PENA nous livre un récit plein d'humour, de poésie, dont la seule faiblesse est qu'il nous faudra attendre pour lire la suite. Bravo à Nancy, qui nous livre en fin de récit son mail pour que l'on puisse lui envoyer moult bravo !


Pascal RABATE nous propose de suivre pas à pas une sorte de résurection dans Les petits ruisseaux récemment publié chez Futuropolis. Le retour de la vie, de l'amour et de la sexualité chez un papy, à travers une sorte de road movie en voiture sans permis. une formidable histoire tout en douceur et en délicatesse, qui aborde mine de rien des sujets graves mais tellement au coeur de notre monde vieillissant qui cultive le culte de la jeunesse et du zéro défaut : peut-on encore aimer, peut-on encore désirer lorsque que l'on est catalogué comme  vieux par les jeunes ?

Dans cette chronique, RABATE, avec un dessin tout en douceur, aux couleurs pastel, nous conduit tranquillement sur le fil de son histoire avec des pauses, des dialogues savoureux, plein d'humanité. C'est un super rayon de soleil dans un monde de brutes (oui, c'est un peu cliché mais est-ce que ce n'est pas vrai ?). Bref, vous voulez sortir la tête des embrouilles, des magouilles, des arsouilles, du fenouil (c'est pour la rime), lisez donc Les petits Ruisseaux. Bonne humeur et joie de vivre garanties...

Pas mal du tout, ou plutôt faudrait-il écrire pas mâle du tout, pour parler de Miss pas touche (Tome 1 : la vierge au bordel) de HUBERT et KERASCOËT paru chez Dargaud dans la collection Poisson pilote. C'est l'histoire de Blanche, bonne chez une riche et pénible bourgeoise dans la Paris de l'entre deux guerres. Elle travaille là avec sa soeur, mais autant celle-ci est une fêtarde qui fréquente les guinguettes, autant Blanche est réservée et veut se préserver. Et un jour c'est le drame, sa soeur est victime d'un homicide, camouflé en suicide. Blanche refuse cette version et va mener son enquête, laquelle la conduira jusqu'à l'un des bordels les plus fréquentés de la capitale. Blanche va donc devoir se faire embaucher dans ce lieu pour espérer retrouver l'assassin de sa soeur, quittant brutalement son univers préservé.

Avec un dessin très inspiré de celui de Joann SFAR, KERASCOËT nous propose une approche apparemment légère (les personnages sont parfois un peu "comiques") d'un univers pourtant particulièrement glauque, où les filles sont les jouets sexuels des bourgeois. Si cet album n'est pas la révélation de l'année, il n'en demeure pas moins très agréable à lire, dressant une série de portraits des demoiselles "pensionnaires" du bordel, et j'attends avec une certaine impatience la suite : Blanche retrouvera elle l'assassin de sa soeur ?

De HUBERT, le scénariste, j'avais lu et beaucoup aimé les yeux verts, parus chez Carabas. L'histoire du vicomte Narcisse de Rougemont, rappelé de Londres pour une mission en France en pleine guerre de religion dans la marais vendéen. Il va se trouver confronté à la magie, lui à l'esprit cartésien... Un dessin très original de ZANZIM, avec une peinture aux couleurs chatoyantes. Feuilletez avec curiosité si vous croisez les 2 tomes qui composent cette série.


Enfin pour terminer en beauté : "on peut sauter sur sa chaise comme un cabri en disant l'Europe, l'Europe, l'Europe, mais cela n'aboutit à rien et cela ne signifie rien" disait en 1965 (hé oui) un certain général, appelant à plus de réalisme (je ne suis pas sûr au plan technique de la pérénnité du lien ci-avant, d'avance mille excuses pour d'éventuels ratés).
Ayant entendu et capté ce message au delà des années, Benoît JACQUES et l'Association nous propose dans l'excellentissime collection Patte de mouche, Die Europanichos Assimil, opus n°59. LA METHODE qu'il vous faut pour parcourir cette Europe et être compris dans tous les pays. Pratique, facile à glisser dans une poche, élégant, décontracté, moderne, drôle, en un mot formidable, procurez vous l'incontournable Die Europanichos Assimil...



Ciao Ciao et bonne lecture à toutes et tous.

Pierre

Ces chroniques bénéficient du soutien de la librairie spécialisée Esprit BD, 48 bis rue St Esprit à Clermont Ferrand. Merci à eux.
Les illustrations sont bien sûr la propriétés des auteurs et autres éditeurs concernés, cela va sans dire....

Comments

[000]

iconoClaste bien sûr ! Ca veut jouer les érudits, et ça sait même pas taper sur un vulgaire clavier... !

[000]

Oh là là, on frôle la poésie dans ces commentaires cher Eul'Fred !
Et pour répondre à vos remarques, il m'est également arrivé de me découvrir (avec retenue toutefois) devant vous. Une icône ? Je ne pense pas. Mais un comportement parfois quelque peu iconoplaste, sans doute...
Ceci dit, je vous rejoins dans vos commentaires dithyrambiques de ce si fameux chroniqueur (à prendre également dans le sens du famous anglais, puisque visiblement sa notoriété dépasse de beaucoup les frontières auvergnates) !

[Eul'Fred]

Je suis un mauvais fan, alors. Qui ne connaît pas par coeur les paroles d'or de son héros solitaire qui parle par la voie magique des ondes... Promis, je fais attention, je m'applique...

Moult Joies

[Pi_tnass]

Mister Eul'Fred, merci de ces encouragements, mais juste une petite précision : on a abordé AYA lors d'une chronique du 25 février dernier, de manière brêve certes, mais quand même.

Et merci pour tous ces bons commentaires qui font chaud au coeur du chroniqueur blogueur solitaire.

Ciao

[Eul'Fred]

Et encore une fournée éminament chroniquée par notre cher Monsieur Pierre, parangon de la BD dite d'en haut, et qui aura su convaincre peu à peu le pauvre petit être méprisable et lecteur trop facile de la BD dite d'en bas !!!
Et à tel point que j'ai acheté, lu et aimé AYA de Yopougon (Abouet et Oubrerie chez Gallimard ) non chroniqué sur ce site mais vanté par d'autres canaux par ce cher Monsieur Pierre !!!!

Continue, continue Monsieur Pierre.

PS : dans une chronique précédente une certaine 000 dit avoir été mise à nue par M. Pierre. Plutôt que de se dévoiler, cette charmante? demoiselle? a préférée que l'on la découvre !!! Que d'images en français comme en BD !!! Etes vous une icone 000 ?